vendredi 16 décembre 2016

LITTERATURE
Le Prix Carbet 2016 salue les écritures convergentes de Guyane

La 27è édition du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde a été lancée mardi matin à l’occasion d’une conférence de presse durant laquelle les membres du jury se sont exprimés tant sur l’esprit du prix créé par Edouard Glissant que sur la sélection 2016.
Nancy Mojeron (Cuba), présidente du jury a tenu à adresser une pensée toute particulière à Serge Patient, Prix Carbet 2001 pour « Le Nègre du gouverneur », tout en saluant la nouvelle production guyanaise.
« Edouard Glissant nous manque, il nous a mené sur le chemin de l’inclusion de toutes nos littératures plurielles », déclare Nancy Morejon n’oubliant pas de citer Simone Schwartz-Bart « qui écrit avec un sens de la poésie du quotidien » et rejoint le jury cette année. De même que Christian Séranot, critique littéraire, auteur et éditeur d’origine guyanaise, souligne-t-il.
« Avec ce prix nous devenons les acteurs de notre propre culture, dit encore Simone Schwartz-Bart. On a beaucoup choisi pour nous, ce prix nous donne la liberté de dire nos propres références ».
Douze titres figurent dans la sélection finale, dont deux livres guyanais, « Nègre marron, itinéraire d’un enfant du ghetto » de Jessi Américain » et « La vie bidim d’Ambrosia Nelson » de Marie-George Thébia. Pour Miguel Duplan, membre du jury, la Guyane est en toile de fond de cette édition 2016 car de nombreux ouvrages parmi ceux sélectionnés sont habités par la Guyane. D’abord parce que le premier roman guyanais « Atipa » est cité en référence, ensuite le thème retenu « Les écritures convergentes » offre l’occasion de rendre hommage aux femmes. Le programme des prochains jours est consacré à l’ouest où se tiendront conférences, films et visites de structures culturelles. Enfin vendredi 16 décembre sera connu le nom du lauréat. On retient son souffle jusque-là.


mercredi 14 décembre 2016




SAMBA TRISTE
                    JEAN-PAUL DELFINO

Le roman se déroule de 1972 à 1985.

Après cinq années passées à Marseille en exil, Lucine est autorisée par la junte militaire à rentrer au Brésil. Dès le pied posé sur son sol natal, elle est arrêtée pour interrogatoire.
P 26 : « - De toute façon, si vous ne voulez pas d’ennui, il vous faudra, chaque lundi matin, aller pointer au poste de police du centre-ville. Et je vous conseille aussi d’obéir scrupuleusement aux actes institutionnels récemment votés, les AI-13 et AI-14. Tout individu sera puni de bannissement si, je cite de mémoire, il se comporte comme un élément nocif ou dangereux pour la sécurité nationale. Evitez donc de frayer avec des éléments subversifs… »

Son ami d’enfance, Paulinho (fils de Joao Domar, ami de son père Bartolomeu Zumbi), est le directeur du SNI (Serviço National de Informaçoes), la fait suivre et contrôle tous ses mouvements, contacts ;

Frappée par la vue de la misère, elle vient en aide aux populations défavorisées avec l’aide du père Thomas Fragos. Paulinho, toujours amoureux d’elle, va se venger et à l’aide de ses escadrons de la mort, assassinera celui-ci.

Lucina se bat notamment pour les enfants des favelas, les «Pivetes » qui sont poursuivis et éliminés par les escadrons de la mort.

Elle deviendra journaliste au Globo, connaîtra les premières grandes manifestations contre le pouvoir militaire, l’accès au pouvoir de Tancredo Neves, président assassiné (1985).

P 355 : « le 24 avril, au même instant, s’ébranlèrent deux cortèges funèbres. Le premier, à Sao Joao do Rei, conduisait à sa dernière demeure, dans un océan de larmes, Tancredo Neves, président du Brésil assassiné pour que lui succède, en tant que vice-président, José Sarney, un général en retraite. »

P 347 : « depuis que ce Tancredo Neves avait été élu, deux mois auparavant, les affaires tournaient de moins en moins rond. Les militaires, dès le résultat des élections avaient réintégré leur caserne… Résultat, en attendant l’investiture officielle… le vieil homme d’affaires ne trouvait plus personne, dans les hautes sphères du gouvernement, pour lui faciliter l’accès à de nouveaux marchés ni pour fermer les yeux sur les opérations spéculatives qu’il tentait de mettre en place depuis plusieurs semaines.
……
  • C’est moi. Je vous contacte comme convenu.
  • Bien. Vous avez réfléchi à notre proposition ?
  • Oui. J’accepte.
  • Ce sera long ?
  • Un peu.
  • Précisez…
  • Il faut que l’opération ait l’air naturel. Ça devrait prendre trois semaines, tout au plus.
……..
Ces affaires n’étaient décidément plus de son âge, mais il se devait d’accomplir cette dernière mission et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, parce que la somme allouée par ce contact anonyme à la CIA ne pouvait pas, décemment, se refuser. Ensuite, parce que ce Tancredo Neves devenait gênant et ne se révélait absolument pas aussi docile que prévu. »

But du roman :

  • Connaître l’histoire du Brésil durant cette période et toujours voir l’implication des USA,
  • Découvrir cette partie de la population constituée du peuple simple et des favelas.


    Claudine Jantet





DANS L’OMBRE DU CONDOR
        JEAN-PAUL DELFINO
 
Le roman se déroule de mai 1958 à décembre 1970.

On y retrouve Joao, père de Paulinho et Zumbi, père de Lucina. Joao est le parrain de Lucina.

Paulinho va collaborer avec les américains qui au début des années 60 vont imaginer le plan Condor élaboré par la CIA, plan destiné à mâter tous les pays d’Amérique du Sud dans le but de s’attribuer leurs richesses et surtout par une peur panique, paranoïaque des frères Kennedy, Bob surtout, celle de la contagion des pays d’Amérique du Sud par le communisme. Le cinglant revers de la baie des cochons, l’installation d’un régime communiste à Cuba, donc à leurs portes, les rend comme fous. Lindon Johnson sera dans la continuité.

P 90 « Bob Kennedy avait avalé une gorgée de whisky sec, s’était essuyé la bouche avec rage d’un revers de main, puis avait poursuivi, tout en agitant devant lui un dossier portant la mention top secret
  • Après Cuba, c’est le Brésil qui risque de tomber aux mains des communistes. Et si le Brésil tombe, c’est toute l’Amérique latine qui sera aux ordres de Moscou. Vous vous rendez compte de ça, au moins ?
  • Mais on a quand éliminé Juscelino Kubitschek de la présidence.. avait alors avancé Allen Dulles.
  • Kubitschek ! Il a peut-être été le premier chef d’Etat à recevoir Ernesto Che Guevara dans son pays, mais, lui, au moins, il n’était pas fou ! 

Un lourd silence s’était alors mis à peser de toute sa masse dans la pièce. Depuis les élections victorieuses de Janio Quadros, que la CIA avait indirectement, mais très efficacement, contribué à placer à la tête du pays, il ne se passait pas une seule journée sans que des nouvelles inquiétantes n’arrivent à Washington. Tour à tour, ce Président aux grosses moustaches noires et aux lunettes d’écaille avait refusé d’appliquer le blocus économique à Cuba, il avait envoyé son vice-président Joao Goulart, en Allemagne et en Chine communistes. Lui-même avait tenu à saluer en personne l’astronaute soviétique Youri Gagarine pour le complimenter sur ses exploits et, outrage ultime qui sonnait comme une déclaration de guerre pour le clan des Kennedy, il avait décerné en grande pompe l’ordre de la Croix du Sud, la plus haute distinction du pays, au ministre de l’Economie de Cuba, Ernesto Che Guevara. »

Lucina elle prendra la route inverse. Elle se bat pour la démocratie, la liberté et y perdra le père de son enfant le jour de son accouchement. Son nouveau-né y perdra l’usage normal de ses jambes. Elle devra quitter le Brésil et ira se réfugier à Marseille, accompagné de son parrain Joao qui y revient après plusieurs dizaines d’années.

P 332 : « Lorsque Lucina fut ramenée dans sa cellule, trois heures après l’avoir quittée, elle n’était plus qu’une plaie, une chair souffrante. Voyant qu’elle refusait de donner des noms, des renseignements sur les lieux secrets des réunions, …, le soldat lui lacéra et arracha tous ses vêtements avec un couteau et la plaqua, dos au mur, près des toilettes, les poignets et les chevilles attachés à des chaînes rivées à la paroi. Puis, il lui posa des électrodes….Et le travail de la magnéto put commencer…. Mais elle sentit, dans toute son horreur, les sexes qui la fouillèrent dans son intimité, dans sa bouche, lorsqu’elle fut ligotée sur le plateau du bureau, membres écartés…. Pendant une semaine entière, les tortures recommencèrent et les viols se répétèrent… mais jamais, jamais Lucina ne lâcha un renseignement. »

Lucina est en exil à Marseille et a trouvé le moyen de continuer la lutte. Elle va faire une offrande à Iemanja. Dernier § du roman « Quand Iemanja accepta le présent de la jeune femme et s’engagea à le faire voguer jusque sur les côtes du Brésil, Lucina murmura, pour elle-même : Je reviendrai. Même si je dois y perdre mon âme, je reviendrai au Brésil. Sur tout ce que j’ai de plus cher, je reviendrai. Je le jure…. »

Le roman décrit la vie des Brésiliens qui ne croient pas à un coup d’état, leur fureur et leur joie de vivre, leur déception. On y voit comment les Etats-Unis s’organisent et ça semble réellement machiavélique. C’est l’histoire d’une période sombre où les Brésiliens perdent leur joie de vivre, leur légendaire capacité à communiquer car chacun se méfie de l’autre.

Informations complémentaires p 389 à 392.

« L’opération Condor, selon les estimations, a perpétré 70 000 meurtres, a assassiné ou fait disparaître 8 000 enfants, a été l’instigatrice de la disparition de 50 000 personnes et a jeté en prison 500 000 femmes et hommes, dans la seule Amérique latine. L’opération Condor est aujourd’hui supprimée. Officiellement supprimée. »

On y trouve aussi une liste exhaustive de toutes les interventions des USA dans le monde.

But du roman :

  • Faire connaître l’histoire du Brésil

  • Faire connaître la capacité des USA à vouloir régir le monde et s’approprier les richesses de celui-ci

    Claudine Jantet



CORCOVADO

                  JEAN-PAUL DELFINO

Le roman se déroule de décembre 1920 au 12 octobre 1931.

Suite à un meurtre involontaire, accidentel, Jean Dimare, jeune travailleur sur les docks, fuit Marseille et se retrouve au Brésil, à Rio de Janeiro où il devient Joao Domar.

P 36 « Quand ce serait au tour des migrants de prendre pied sur le continent, la foule serait déjà partie. Le quai, désert. Personne ne les attendait. Sauf, au-dessus du couloir d’accès, une pancarte qui pendait au bout de deux chaînes. On pouvait y lire, en portugais, en allemand, en tchèque et même en russe, ces quelques mots : « Tu étais un étranger, mais le Brésil t’accueille comme l’un des siens… ».
Le roman se déroule en trois parties :

RIO LA BLANCHE

A son arrivée à Rio, Jean est accueilli par un cousin de sa mère et durant cette période il se comporte en jeune homme bon travailleur. Il occupe un emploi de bureau chez un architecte, loge chez ses cousins, est amoureux de sa cousine (réciprocité). Mais celle-ci est promise par son père à un jeune homme très riche dont elle ne veut absolument pas.

La réaction de Joao est la suivante : p 161 « Sur l’Avenida Central, à hauteur de la Rua da Carioca, Joao sentit soudain la haine lui dévorer le ventre. Il allait être riche et épouser Emivalda. Il le fallait et il le désirait à cet instant plus que tout au monde. Peu importeraient les moyens, désormais ».

RIO L’AFRICAINE

Il a pour ami un homme descendant d’esclaves venus d’Afrique, Bartolomeu Zumbi. Ce dernier est un artiste peintre, musicien, qui effectue des plans pour l’architecte chez lequel travaillait Joao.

A vouloir être riche, il va gagner sa vie en devenant pour le compte d’une bicheira, celui qui récolte l’argent des paris du Jogo Do Bicho. Il devient buveur, violent, un « malandro ».

Joao provoque la mort de celui qui l’a accueilli, son cousin. Sa cousine meurt aussi.
P 233 « Dis-moi, Bartolomeu, ça te dirait de recommencer à travailler avec moi sur le Christ rédempteur ? »

P 257 « en 1920, un nouvel article avait été ajouté au code pénal. Pour vider les rues des enfants sans famille et les jeter dans les écoles correctionnelles et les sinistres instituts disciplinaires, la loi de répression de l’oisiveté avait été appliquée sans discernement. Désormais, on envoyait les gamins en pension pour un chef d’accusation qui aurait eu un côté comique, s’il n’avait pas été aussi lourd de drames et de conséquences : « Bras réfractaires au travail ».

P 270 : discussion entre l’architecte qui conçoit le projet du christ sur le Corcovado et l’artiste Zumbi qui propose un dessin de la future statue :
« - Je sais, Monsieur. Vous êtes même l’un des seuls dans ce pays à aimer la peinture d’un vrai nègre. Vous l’aimez, mais vous la comprenez pas. Vous avez l’esprit déjà trop déformé pour la comprendre.
  • Mais non…
  • Mais si, Monsieur. Pour vous aussi, un Christ doit être blond et avec des yeux bleus. Il lui faut une peau bien blanche parce que c’est les blancs qui dominent le monde, je me trompe ?
  • Il ne s’agit pas de cela mon ami…
  • Je vous aime bien, monsieur Costa. Mais on n’y peut rien, c’est inscrit. On n’y peut plus rien. Et ce Christ que vous avez devant les yeux, il a deux cents ans d’avance. Dans deux cents ans, les Indiens, les nègres et les blancs, ils auront fini par se mélanger. Et quand un Brésilien fera le portrait d’un Christ, il le fera tout pareil à celui-là… »

RIO L’INDIENNE

Joao a un accident avec sa belle voiture qu’il a pu acheter grâce à l’argent gagné en travaillant pour le Jogo do Bicho et est tiré de la mort par Febronio l’Indien et de sa situation de malandro par Tante Ciata, Mères des Saints. Magie indienne et magie africaine mises en œuvre.

P 348 : « Tu vois, Joao, l’univers entier est un échange de forces, positives et négatives. La force est partout, elle passe de l’un à l’autre. Celui qui donne sa force s’appauvrit, celui qui la reçoit, s’enrichit. »

Ce même indien lui est apparu dès son arrivée au port de Rio et régulièrement.

Joao entre alors dans une période de rédemption en participant au projet qui enfin prend corps et aboutit : la statue du Christ sur le Corcovado. Son ami noir Zumbi l’a dessinée, l’architecte Costa a mené le projet aidé de Joao.

P 363 « Durant cette période qui le porta jusqu’aux premiers jours de septembre 1925, Joao Domar ne réfléchit pas sur ses actes passés….les onguents de Febronio et les paroles de la tante Ciata avaient endormi ses lâchetés, ses bassesses. Désormais il traversait sa nouvelle existence sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller ses fantômes… il se contentait de vivre avec lui-même ».

P 433 « Au sommet du morne du Corcovado, le lundi 12 octobre 1931, la cérémonie de bénédiction du monument eu bien lieu, malgré les quelques gouttes qui tombèrent… »

P 435 « A dix-neuf heures et seize minutes, Joao Domar da Cunha actionna l’interrupteur… Alors comme un hommage rendu aux centaines de milliers de spectateurs, le lourd rideau de nuages se déchira et la statue du Christ rédempteur s’illumina dans la nuit ».

But du roman :
  • Démontrer que l’espérance n’est jamais vaine (un homme devenu mauvais se rachète grâces aux magies mises en œuvre
  • Amener le lecteur à comprendre l’histoire du Brésil et son évolution sur la période choisie
  • Faire comprendre que la capacité à se battre pour un projet, l’obstination même, permettent de faire aboutir ce projet (le Corcovado)

    Claudine Jantet



          12 RUE CARIOCA
          JEAN-PAUL DELFINO
                                                       
 

Le roman se déroule de 1906 à 1924.

A l’aube de ce vingtième siècle, le Brésil est une véritable poudrière. Deux évènements majeurs : l’avènement de la démocratie et la fin de l’esclavage marquent cette période.

Filomena, fille d’une esclave africaine et d’un fazendeiro est un des personnages de ce roman qui se déroule au Brésil et à Marseille. Elle doit s’exiler à Marseille après avoir commis un meurtre. Elle emmène avec elle son arrière-petite-fille, Andréa.

P 15 « Filomena avait été brésilienne et le serait sans doute restée, si le maître, par une nuit électrique où un vent chaud et parfumé faisait frémir les plans de caféiers, n’était venu la trouver dans le réduit où elle avait coutume de dormir. Ivre d’alcool, le sang en feu, étranger à toute notion de péché, il l’avait tout d’abord assommée d’une gifle retentissante et avait aussitôt emprisonné sa bouche dans sa main en sueur pour étouffer ses cris. Puis, il s’était affalé sur elle et, après avoir arraché à l’aveuglette sa tunique, il avait pénétré sa fille, d’un seul coup violent, avec la certitude imbécile et virile du taureau qui monte la vache ».

A Marseille se déroule en 1906 l’exposition universelle. La cité phocéenne est en voie d’explosion : ressentiment envers les premières vagues d’immigrés, conditions de vie déplorables du prolétariat.

P 157 « Marseille était infestée d’Italiens comme un chien de pauvre de puces ! Les Italiens étaient une race indigne, malfaisante qui, sous des dehors débonnaires, n’ambitionnait que de voler le travail des honnêtes Français. Et c’était le général Boulanger en personne qui l’avait déclaré ! …… les Italiens étaient des hommes de rien qui ne méritaient qu’une chose : être tous entassés dans des cales de bateaux et, une fois au large, être noyés, sans même prendre la peine d’un procès. Tandis que Démosthène Farès, Syrien d’origine et Marseillais depuis quarante ans désormais, c’était tout de même autre chose !»

A Rio de Janeiro, les bandes s’affrontent, défendant avec violence leurs territoires respectifs et pratiquent la capoeira, synonyme de démonstration de force et apanage des délinquants.

Ce roman nous présente des changements importants : naissance du cinéma, arrivée d’idéaux anarchistes venus d’Europe, réflexions sur les droits bafoués des travailleurs et des syndicats, premières luttes féministes, émergence de la samba, déferlement du carnaval.

Le centre historique de Rio sera reconstruit. La Petite Afrique, quartier où habitaient les immigrés, descendants d’Africains principalement, fut rayée de la carte. Leurs descendants constituent aujourd’hui une partie de la population des favelas.

Deux personnages, héros de Corcovado (suite de ce roman) vont naître et grandir simultanément. A Marseille, Jean Dimare et à Rio, Zumbi.

But du roman :

Une fois encore l’auteur nous entraîne dans l’histoire du Brésil, début vingtième cette fois.
Il nous montre que les problèmes posés par l’immigration sont les mêmes à Marseille ou à Rio et l’on se posera la question, aujourd’hui très d’actualité, de savoir si un phénomène d’immigration massive, mal accueilli, considéré comme une charge, l’est toujours plusieurs dizaines d’années plus tard.

Au long de ce roman, comme dans les précédents, on assiste à des vagues de déplacements (contraints souvent du fait de deux phénomènes : esclavage et situation économique) d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre.

Claudine Jantet
SAUDADE
                 JEAN-PAUL DELFINO
Le roman se déroule de 1830 (à peu près) à 1891, sous le règne de Dom Pedro II qui décèdera le 5 décembre 1891 à Paris après sa destitution.

L’empereur Dom Pedro II est un humaniste et aime passionnément son pays.

Il se donne pour mission de transformer Rio de Janeiro en une capitale moderne et le Brésil en un pays parmi les plus puissants du monde.

Il s’inspire des idées du siècle des Lumières : l’ordre établi est bousculé, la modernité est accueillie à bras ouverts, le développement des arts et des sciences est prôné. On assiste à l’essor des chemins de fer, de l’industrie, de la photographie, à la mise en valeur des sols, à la fondation de colonies agricoles, à l’établissement de lignes télégraphiques, à la création de l’école des mines…

Paradoxalement, le peuple continue à lutter pour sa survie, sa liberté et l’accession à la fin de l’esclavage.

Les personnages sont éclatants de vérité :
  • Zumbi, autrefois injustement condamné garde l’espoir de revoir sa fille,
  • Marina, la fille de Zumbi, passera dix ans en prison et viendra finalement retrouver son père,
  • Rosa est une ancienne prostituée et fait preuve d’un grand cœur
  • Filomena fille d’un fazendeiro raciste et réactionnaire et d’une de ses esclaves, Minas,
  • Raimundo, personnage à deux visages. Gardien dans la prison de Calabouço, là où se trouvait Marina, est aussi un mélomane,
  • Madame de Barrai mariée et amante de l’empereur.

Cette saga brésilienne nous fera vivre des moments tragiques tels des amours contrariés, des assassinats, des révoltes, des luttes fratricides, la traite négrière mais aussi des moments d’espoir au travers de la poésie, de la gastronomie, de la musique.

Chaque fois qu’un peu de sérénité apparaît, alors commence à éclore la « saudade », ce sentiment qu’on ne peut traduire en français, qu’on pourrait expliquer comme étant une sorte de nostalgie, de langueur.

De nombreux revirements font qu’on ne peut lâcher cet ouvrage avant la dernière page et qu’on attend impatiemment de lire le suivant de la saga.

Dom Pedro II quitte le Brésil le 16 novembre 1889. La république avait été proclamée la veille par quelques meneurs révolutionnaires à la tête de deux mille hommes.

But du roman :

Découverte d’une partie de l’histoire du Brésil et de la volonté d’un roi de transformer cette colonie en un pays moderne et puissant. L’esprit d’initiative qu’il a donné au pays subsiste encore aujourd’hui.

Claudine Jantet