mercredi 14 décembre 2016

          12 RUE CARIOCA
          JEAN-PAUL DELFINO
                                                       
 

Le roman se déroule de 1906 à 1924.

A l’aube de ce vingtième siècle, le Brésil est une véritable poudrière. Deux évènements majeurs : l’avènement de la démocratie et la fin de l’esclavage marquent cette période.

Filomena, fille d’une esclave africaine et d’un fazendeiro est un des personnages de ce roman qui se déroule au Brésil et à Marseille. Elle doit s’exiler à Marseille après avoir commis un meurtre. Elle emmène avec elle son arrière-petite-fille, Andréa.

P 15 « Filomena avait été brésilienne et le serait sans doute restée, si le maître, par une nuit électrique où un vent chaud et parfumé faisait frémir les plans de caféiers, n’était venu la trouver dans le réduit où elle avait coutume de dormir. Ivre d’alcool, le sang en feu, étranger à toute notion de péché, il l’avait tout d’abord assommée d’une gifle retentissante et avait aussitôt emprisonné sa bouche dans sa main en sueur pour étouffer ses cris. Puis, il s’était affalé sur elle et, après avoir arraché à l’aveuglette sa tunique, il avait pénétré sa fille, d’un seul coup violent, avec la certitude imbécile et virile du taureau qui monte la vache ».

A Marseille se déroule en 1906 l’exposition universelle. La cité phocéenne est en voie d’explosion : ressentiment envers les premières vagues d’immigrés, conditions de vie déplorables du prolétariat.

P 157 « Marseille était infestée d’Italiens comme un chien de pauvre de puces ! Les Italiens étaient une race indigne, malfaisante qui, sous des dehors débonnaires, n’ambitionnait que de voler le travail des honnêtes Français. Et c’était le général Boulanger en personne qui l’avait déclaré ! …… les Italiens étaient des hommes de rien qui ne méritaient qu’une chose : être tous entassés dans des cales de bateaux et, une fois au large, être noyés, sans même prendre la peine d’un procès. Tandis que Démosthène Farès, Syrien d’origine et Marseillais depuis quarante ans désormais, c’était tout de même autre chose !»

A Rio de Janeiro, les bandes s’affrontent, défendant avec violence leurs territoires respectifs et pratiquent la capoeira, synonyme de démonstration de force et apanage des délinquants.

Ce roman nous présente des changements importants : naissance du cinéma, arrivée d’idéaux anarchistes venus d’Europe, réflexions sur les droits bafoués des travailleurs et des syndicats, premières luttes féministes, émergence de la samba, déferlement du carnaval.

Le centre historique de Rio sera reconstruit. La Petite Afrique, quartier où habitaient les immigrés, descendants d’Africains principalement, fut rayée de la carte. Leurs descendants constituent aujourd’hui une partie de la population des favelas.

Deux personnages, héros de Corcovado (suite de ce roman) vont naître et grandir simultanément. A Marseille, Jean Dimare et à Rio, Zumbi.

But du roman :

Une fois encore l’auteur nous entraîne dans l’histoire du Brésil, début vingtième cette fois.
Il nous montre que les problèmes posés par l’immigration sont les mêmes à Marseille ou à Rio et l’on se posera la question, aujourd’hui très d’actualité, de savoir si un phénomène d’immigration massive, mal accueilli, considéré comme une charge, l’est toujours plusieurs dizaines d’années plus tard.

Au long de ce roman, comme dans les précédents, on assiste à des vagues de déplacements (contraints souvent du fait de deux phénomènes : esclavage et situation économique) d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre.

Claudine Jantet

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